[FISCALITE INNOVATION] Les bonnes pratiques pour déclarer des dépenses de sous-traitance au CIR

Date de publication : 24/01/24

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La sous-traitance est la seconde dépense de recherche éligible déclarée par les entreprises bénéficiaires du Crédit Impôt Recherche CIR après les dépenses de personnel environnées des frais de fonctionnement. Selon les derniers chiffres du Ministère de lʼEnseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation MESR (2021) sur le CIR, la recherche externalisée représente près de 13% des dépenses déclarées avec 7,8% auprès d’autres entreprises agréées CIR et 5,1% auprès d’organismes publics. Au vu des enjeux, comment sécuriser la prise en compte des dépenses de sous-traitance ?

Ce qui dit la loi

La prise en compte des dépenses de sous-traitance pour le donneur d’ordre dans l’assiette de calcul du CIR est prévue au quater B II d bis et d ter de l’Article 244 du Code Général des Impôts. Ces paragraphes précisent notamment que sont éligibles « les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à des organismes agréés par le ministre chargé de la recherche selon des modalités définies par décret, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions » (d.bis) et que les « opérations […] sont réalisées directement par les organismes auxquels elles ont été confiées. Par dérogation, ces organismes peuvent recourir à des organismes mentionnés au même d bis pour la réalisation de certains travaux nécessaires à ces opérations.

Quelques éclairages utiles :

  • La prestation réalisée par l’organisme agréé doit correspondre à des opérations « de même nature», c’est-à-dire à la « réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique ».
  • Depuis le 1er janvier 2022, pour être prise en compte dans l’assiette du CIR, la prestation de recherche doit être réalisée par un organisme de recherche disposant d’un agrément CIR, qu’il soit public, assimilé public ou privé. Cet agrément est délivré par le MESR pour une durée déterminée. Ce dernier met à jour régulièrement la liste des prestataires agréés disponible en ligne.
  • Depuis le 1er janvier 2020, une mesure anti-abus a été intégrée à la loi restreignant l’éligibilité des dépenses de recherche confiées à la seule part des opérations réalisées directement pas le prestataire. Par dérogation, la loi prévoit néanmoins que ces organismes (prestataire de rang 1) pourront recourir à d’autres organismes publics ou privés agrées eux-aussi (prestataire de rang 2) « pour la réalisation de certains travaux nécessaires à ces opérations ». Il s’agit de la notion de prestation en cascade.

En quoi la doctrine administrative nous éclaire ou pas sur la nature des prestations de recherche externalisée

Le Bulletin Officiel des Impôts BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 donne des précisions sur la nature des dépenses externalisées éligibles qui doivent « être afférentes à de véritables opérations de recherche et de développement (R&D), nettement individualisées dont la réalisation est, soit confiée complètement à un organisme de recherche tiers, soit menée dans le cadre d’une collaboration de recherche avec cet organisme. ».

Cette définition écarte de facto du périmètre éligible des travaux techniques type prestation de service/technique dont le donneur d’ordre définirait le résultat attendu et détiendrait les résultats obtenus. Pourtant, ce même article apporte plus loin une précision contradictoire en rapportant l’arrêt FNAMS du Conseil d’état de 2020 : « Les dépenses afférentes aux travaux scientifiques et techniques externalisées qui ne constituent pas en tant que tels des opérations de R&D, mais qui sont indispensables à la réalisation d’une opération de R&D éligible au CIR menée en interne par le donneur d’ordre, peuvent également être prises en compte dans la base de calcul du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre ».

Le Conseil d’Etat, plus haute juridiction de l’ordre administratif, est venu invalider le raisonnement du MESR. Il est donc possible de valoriser une prestation externalisée à la condition que celle-ci revête un caractère technique et qu’elle soit nécessaire à l’opération de R&D du donneur d’ordre, quand bien même elle ne constituerait pas en elle-même d’une opération de recherche.

Ainsi toute prestation technique externalisée auprès d’un prestataire agréé CIR, que ce soit une opération de recherche réalisée à part entière par le prestataire, une collaboration de recherche avec un objectif commun entre le prestataire et le donneur d’ordre ou simplement une contribution technique du prestataire nécessaire à l’opération de recherche du donneur d’ordre serait éligible et à intégrer dans l’assiette des dépenses du donneur d’ordre. 

Ce que l’on apprend des contentieux ou contrôles fiscaux en cours

Depuis sa publication, la décision « FNAMS » est de mieux en mieux intégrée et appliquée par les différents organes de contrôle du CIR, que ce soit l’administration fiscale ou le MESR. A noter que dans son guide, le MESR a enfin revu sa position puisqu’il a retiré de son guide CIR édité chaque année la mention d’inéligibilité des prestations en régie.

Alors qu’il y a encore quelques années, c’était la nature de la prestation qui était régulièrement remise en question, les exigences de contrôle sont aujourd’hui concentrées sur la capacité de la société déclarante à justifier ses dépenses de prestations externalisées.

En effet, fournir une facture avec un intitulé même explicite ne suffit plus aujourd’hui pour faire valider cette typologie de dépense. Il est désormais nécessaire d’apporter différents justificatifs pour attester de la réalité de la prestation et de son rattachement à une opération de R&D.

Eléments désormais demandés en contrôle fiscal :

  • Démonstration du caractère nécessaire de la prestation externalisée à l’opération de R&D interne.
  • Copie de l’ensemble des contrats liant la société déclarante avec ses sous-traitants.
  • Copie des cahiers des charges et livrables.
  • Description des travaux réalisés par le sous-traitant.
  • Copie des décisions d’agrément couvrant l’année concernée.
  • Copie de l’ensemble des factures afférentes.
  • Preuve que la prestation a été réalisée par le prestataire lui-même ou par dérogation la preuve de l’agrément du prestataire de rang 2.

Ainsi, outre l’éligibilité de la dépense, il est désormais nécessaire pour le contribuable d’évaluer sa capacité à justifier les dépenses associées à une prestation R&D afin de s’affranchir du risque de redressement fiscal.

Les bonnes pratiques à suivre

En résumé, toute prestation technique réalisée par un tiers agréé CIR et liée à une opération de R&D interne peut être déclarée au CIR. Néanmoins, pour parfaitement maitriser le risque fiscal associé, il faut :

  • s’assurer que le prestataire est titulaire d’un agrément CIR sur la période couverte par la déclaration CIR,
  • être en mesure de démontrer le caractère nécessaire de la prestation,
  • être en mesure d’identifier un lien entre la prestation R&D externalisée et l’opération de R&D menée en interne,
  • être en mesure de décrire précisément les travaux réalisés et facturés par le prestataire,
  • apporter des justificatifs quant à la prestation concernée : facture, devis, cahier des charge, livrable et contrat,
  • veiller à ce que la prestation soit décrite de manière explicite dans les livrables susmentionnés (par exemple, éviter « Facture octobre » pour une prestation en régie),
  • s’assurer que le prestataire a réalisé lui-même les travaux de recherche, ou s’il les a sous-traités, que cela ait été fait par un prestataire agréé lui aussi.

Points de vigilance sur la sous-traitance intragroupe

Il est tout à fait possible de déposer une demande d’agrément pour une autre entité légale du groupe qui réaliserait des travaux R&D pour l’entité déclarante. Ces sociétés étant liées, cette typologie de dépense est plafonnée à 2 M€ par année dans l’assiette des dépenses éligibles CIR.

Il n’est pas rare que les prestations intragroupes soient traitées de manière moins rigoureuse que les prestations externalisées. Les bonnes pratiques listées ci-avant restent pourtant inchangées : en cas de contrôle, il sera nécessaire d’apporter l’ensemble des descriptifs et pièces justificatives demandées.

En ce qui concerne ces flux intragroupes, qui plus est lorsqu’ils sont internationaux, il est nécessaire d’être bien conscient qu’une attention particulière sera portée sur les montants refacturés. La législation est particulièrement exigeante sur les prix de transfert appliqués. En effet, le prix pratiqué entre des entreprises dépendantes doit être celui qui aurait été pratiqué sur le marché entre deux entreprises indépendantes.

Un contrôle fiscal sur le CIR peut pousser le vérificateur à porter son attention sur le sujet des prix de transfert. C’est pourquoi, ce sujet est souvent couvert par nos Experts lors de leurs prestations d’accompagnement à la déclaration du CIR, afin d’évaluer les risques fiscaux associés.

 

Auteur : Adrien Lescarboura, Manager Fiscalité de l’Innovation

 

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