[FISCALITE INNOVATION] L’IP Box, le dispositif fiscal qui encourage l’exploitation de sa propriété intellectuelle en France

Date de publication : 13/03/24

visuel IP Box



Bien que ce dispositif ait été voté dans le cadre de la loi de finance 2019, ce régime fiscal reste encore relativement méconnu par rapport à ces ainés que sont les Crédit Impôts Recherche (CIR) et Innovation (CII). Il représente pourtant un atout majeur pour les sociétés détentrices de propriété intellectuelle (PI) dans leur compétitivité à l’échelle européenne. Décryptage d’un dispositif qui peut s’avérer extrêmement incitatif pour les sociétés éligibles. Quelles entreprises bénéficiaires ? Quels actifs de PI concernés ? Quelles modalités déclaratives ?

Origine et évolution du dispositif de l’IP Box

Dans un environnement toujours plus compétitif, la PI issue des travaux de recherches permet non seulement aux entreprises de protéger leurs innovations techniques mais aussi de générer des revenus au travers de la concession de droits d’usages auprès d’entreprises tierces. Là où les activités de recherche et développement (R&D) bénéficient d’incitations fiscales bien connues comme le CIR et le CII, il est essentiel, du fait notamment de la volatilité des actifs de PI résultant de cette recherche, de proposer des dispositifs incitatifs à leur exploitation. Les états ont ainsi mis en place certaines mesures appelées « patent box » afin de les retenir sur leurs territoires. L’usage de ce dispositif, appelé en France IP Box, reste néanmoins encore limité du fait de la méconnaissance des entreprises ou de la peur de sa complexité apparente.

En France, ce dispositif était régi par l’article 39 terdecies du CGI (Code Général des Impôts) jusqu’en 2019, date à laquelle il a été réformé afin de le mettre en conformité avec les recommandations de l’OCDE formulées dans son plan 5 des BEPS. Ce plan d’action sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices a introduit l’approche dite NEXUS qui a été codifiée dans la loi de finance 2019 à l’article 238 du CGI. Cette approche NEXUS impose de corréler le bénéfice de l’avantage fiscal à la réalisation des activités de R&D à l’origine de chacun des actifs. Ainsi, c’est bien uniquement la société qui est à l’origine de l’innovation qui peut bénéficier de l’avantage fiscal.

Bien que cette réforme ait rendu le dispositif plus contraignant, celui-ci l’a également élargi au domaine des logiciels qui en était exclu jusqu’alors. Dans le détail, s’agit-il d’un ou d’une réelle avancée ?

Actifs et opérations éligibles

Le dispositif de l’IP Box permet aux entreprises soumises à un régime réel d’imposition de soumettre à un taux réduit d’imposition de 10% (au lieu du taux normal de 25%) les revenus de cession, de concession (et de sous-concession) de licences d’exploitation des actifs suivants :

  • les brevets, les certificats d’utilité, les certificats complémentaires de protection (y compris les titres étrangers de la même famille et les demandes en cours),
  • les Certificats d’Obtention Végétale (COV),
  • les logiciels protégés par les droits d’auteur,
  • les procédés de fabrication industrielle qui :
    • constituent le résultat d’opérations de recherche,
    • sont l’accessoire indispensable de l’exploitation d’une invention,
    • font l’objet d’une licence d’exploitation unique avec l’invention.

Pour les brevets et les COV, la situation est assez simple, étant donné qu’il s’agit d’un titre de propriété délivré par un organisme officiel (INPI, Office Européen des Brevets, etc.). Le logiciel quant à lui est protégé par le droit d’auteur prévu par l’article L112-2 du code de la PI sans qu’il y ait de titre officiellement remis à l’auteur. La doctrine administrative indique que pour être protégé par le droit d’auteur, le logiciel doit être « original ». Cette notion d’originalité s’entend pour les logiciels qui :

  • résultent d’un travail intellectuel et personnel de leur créateur allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante,
  • constituent une œuvre originale dans leur conception et dans leur expression et n’empruntent pas à des logiciels déjà créés notamment en les traduisant dans un autre langage ou en les adaptant à d’autres matériels ou à des utilisations spécifiques.

Sont donc exclues du caractère d’originalité des logiciels :

  • leur caractère esthétique ou utilitaire,
  • leur intérêt ou leur utilité,
  • leur nature technique (logiciels d’application ou d’exploitation).

L’entreprise doit donc en premier lieu réaliser une cartographie de ses actifs de PI. Une fois terminée, elle doit sélectionner les actifs pour lesquels elle perçoit des revenus d’exploitation et décider si elle souhaite ou non regrouper ces actifs par famille (une famille de brevets liée à un seul produit, un portefeuille de COV sur une même espèce agronomique, une plateforme logicielle comportant plusieurs modules commercialisés indépendamment, etc.).

Un calcul par actif en 3 étapes

La première étape du calcul consiste à déterminer, sur l’exercice fiscal, le résultat net par actif. Il faut pour cela calculer les revenus liés à cette PI avec plusieurs cas de figure possibles.

  • Les revenus sont directement disponibles dans des contrats de concession de droit, comme c’est le cas pour les licences de brevets, de COV ou la vente de logiciels « on premises » (perpétuelles). Ces revenus peuvent être directement liés à des contrats.
  • Le contrat de vente ne concerne pas uniquement la concession d’une licence, comme c’est fréquemment le cas pour les logiciels vendus en SaaS « Software as a Service» qui couvrent d’autres services (maintenance, hébergement, services, etc.). Dans ce cas précis, il appartiendra à l’entreprise de déterminer quelle est la part en lien avec la concession d’un droit d’usage de son logiciel. Plusieurs méthodes sont possibles pour ce calcul (comparables, coût de revient, etc.).

On vient ensuite déduire de ces revenus les dépenses de R&D en lien direct avec chacun des actifs sur l’exercice. L’article 238 du CGI définit ainsi le résultat net comme étant « la différence entre les revenus, […] et les dépenses de recherche et de développement […] au cours du même exercice ». Ces dépenses de R&D sont de même nature (même définition) que celles définies au titre du CIR, mais leurs assiettes de calcul est plus large. Il n’y a par exemple pas de notion d’agrément pour la sous-traitance de R&D et les frais de fonctionnement sont calculés au réel et non forfaitairement. Il convient donc ici de ne conserver que les actifs matures pour lesquels les revenus sur l’exercice fiscal sont supérieurs aux dépenses de R&D sur le même exercice.

visuel étape 1

La seconde étape (toujours par actif) est celle du calcul du ratio NEXUS du nom du rapport d’assujettissement entre le résultat net et le résultat taxable au taux réduit. En effet, le bénéfice de l’IP Box est conditionné à la démonstration pour chaque actif ou famille d’actif d’une corrélation entre les dépenses de recherche effectivement engagées pour le développement de ce droit de PI et les revenus de concession de droits.

Ce ratio NEXUS doit refléter, en le mesurant, l’effort de R&D ayant conduit à la création de l’actif de PI. Il est ainsi constitué du cumul depuis 2019 des :

  • dépenses de R&D internes (au numérateur et au dénominateur),
  • dépenses de R&D externalisées auprès d’entreprises tierces sans lien de dépendance (au numérateur et au dénominateur),
  • dépenses de R&D externalisées auprès d’entreprises ayant un lien de dépendance en dehors d’une intégration fiscale (uniquement au dénominateur),
  • dépenses d’acquisition de PI (uniquement au dénominateur).

Le ratio se retrouve ainsi dégradé (inférieur à 1) si l’actif a été développé dans une entreprise liée (en dehors d’une intégration fiscale) ou en cas d’acquisition de tout ou partie de la PI.

visuel étape 2

La dernière étape consiste à multiplier le résultat net par le ratio NEXUS obtenus pour obtenir le résultat taxable au taux réduit (Rtr) de 10%.

visuel étape 3

Ce résultat viendra ensuite en déduction du résultat taxable au taux plein (Rtp) avec deux cas possibles :

  • Rtp>Rtr: alors la société aura une partie de son résultat taxé au taux plein et une partie au taux réduit,
  • Rtp<Rtr: un déficit sera constaté sur le résultat taxable au taux plein. L’entreprise pourra utiliser ce déficit pour :
    • faire du report en arrière (« carry back»),
    • faire du report en avant (« carry forward»),
    • imputer ce déficit sur le résultat taxable au taux réduit de l’exercice et ainsi passer l’ensemble de son résultat taxable au taux de 10%.

Calcul et modalités d’obtention de l’IP Box

L’IP Box est un régime optionnel, c’est-à-dire qu’une option doit être formalisée par actif dans le formulaire CERFA 2468-SD. L’entreprise, après avoir levé les options sur le ou les actifs souhaités, doit maintenir cette option dans le temps. Le non-respect de ce maintien engendre la déchéance de l’option.  En complément, comme c’est le cas pour d’autres dispositifs fiscaux comme le CIR, l’entreprise à l’obligation de tenir à la disposition de l’administration fiscale un dossier justificatif présentant les éléments ci-dessous :

  • la description générale des activités de R&D,
  • les actifs immatériels concernés,
  • la détermination du ratio NEXUS,
  • les dépenses de R&D ainsi que la répartition entre les actifs immatériels.

Notre analyse

Le dispositif de l’IP Box, par son incitation fiscale très intéressante (passage de 25% à 10% de taux d’IS) entend pousser les entreprises à conserver l’exploitation de leurs actifs de PI sur le territoire national et rendre le pays plus compétitif. Il existe néanmoins plusieurs zones de risques qui nécessitent une attention particulière. C’est notamment le cas pour les points suivants.

  • Pour les groupes en intégration fiscale: au premier abord, ils semblent privilégiés car les dépenses de sous-traitance de R&D entre sociétés d’un même groupe ne pénalisent pas le calcul du ratio NEXUS. Néanmoins, l’article 223H du CGI indique qu’en cas d’entrée dans une nouvelle intégration fiscale (ou en cas de modification de la tête d’intégration par exemple), les actifs de PI sont considérés au même titre qu’une acquisition ! Il faudra alors calculer la valeur vénale des actifs au jour de l’entrée (ou de la modification) dans le nouveau périmètre d’intégration, et cette valeur viendra en déduction des revenus de l’exercice ainsi qu’au dénominateur du ratio NEXUS venant dégrader (voir annuler définitivement) l’avantage fiscal pour plusieurs années.
  • Pour le calcul de la participation des salariés : l’article L. 3324-1 du code du travail, indique que le bénéfice net pris en compte dans le calcul de la réserve spéciale de participation s’entend du bénéfice « tel qu’il est retenu pour être imposé à l’impôt sur le revenu ou aux taux de l’impôt sur les sociétés prévus au deuxième alinéa et au b du I de l’article 219 du code général des impôts », ces derniers visant le taux de droit commun et le taux réduit de 15% applicable aux petites et moyennes entreprises à l’impôt sur les sociétés. En conséquence, les entreprises dont une part du bénéfice est imposée au taux de 10% prévu au a du I de l’article 219 du CGI ne sont pas tenues de prendre en compte de cette même part pour déterminer le montant de la réserve spéciale de participation. Cette situation conduisant même à faire disparaitre l’avantage lié à la participation sauf à conclure un accord dérogatoire pour réintroduire le résultat taxable au taux réduit dans le calcul. Ce point particulier a fait l’objet d’une question parlementaire dont la réponse a été publiée le 27/02/2024.

En conclusion, bien que le dispositif puisse sembler complexe et malgré des zones d’ombre persistantes, l’IP Box est un puissant outil complémentaire des CII et CII qui, eux, ont pour but d’inciter les entreprises à faire de la R&D&I. Il permet aux entreprises dont le business model est de générer des revenus de concession de droits d’usage (éditeurs de logiciels, biotech, entreprises faisant de la sélection variétale, etc.) d’abaisser leur taux d’imposition de 25% à 10%, tout en les incitant à conserver ces revenus sur le territoire national et à ne pas les délocaliser dans d’autres pays à la fiscalité avantageuse. La mise en place de cet avantage fiscal nécessite néanmoins un effort pour sécuriser cette réduction d’imposition.

visuel 4 étapes

 

Auteur : Philippe Makowski, Manager Fiscalité de l’Innovation

 

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